Un musée à ciel ouvert
Après y avoir expérimenté il y a longtemps ses cadrans solaires, Jean-Philippe Richard a imaginé que le très pittoresque village d’Eze, accroché à son piton et surplombant la baie de Villefranche-sur-Mer et les échancrures de Saint-Jean-Cap-Ferrat, offrirait un écrin digne à ses demoiselles de terre. Après de périlleuses escapades en hélicoptère pour les déposer ici, Chloé, Justine, Charlotte, Anaïs, Rose des vents, Barbara… sont restées et musardent toujours dans le Jardin exotique d’Èze, suspendu entre ciel et terre ; Friedrich Nietzsche les aurait aimées, au milieu des bouquets d’euphorbes et de fougères arborescentes. Les aurait-il trouvées humaines, trop humaines ?
— Jean Brousse
—
Les figures d’Èze fixent de tout leur corps, au-delà de la baie, un horizon.
Même leurs paupières closes, tout nous dit qu’elles voient. Qu’elles nous regardent même. Est-ce pour cela qu’elle nous fascinent ?
En face d’elles, à des centaines de kilomètres – quelques siècles plus tôt, au quatrième –Augustin, le premier, a proposé la notion de “regard intérieur”. Dans Tractatus 7, à propos de Tobie l’aveugle, il évoque les yeux de la sensibilité, ceux du coeur, à la fois polysensoriels et transcendants.
Les yeux clos, voilà comment être au monde en s’exaltant de tous ses sens. Ici, dans ce jardin, rien n’est apparence, tout est effervescent, odeurs, chaleurs, bruissements du vivant.
Les figures de Jean-Philippe Richard voient de tout leur corps. Le sculpteur les ancre dans la terre même, d’où elles surgissent d’une masse lourde pour s’élever en fusées graciles.
Ici, la terre et l’esprit s’épousent. Ces femmes, filles-fleurs, évoquent un érotisme supérieur. L’étonnante beauté du site qui domine un espace merveilleux renvoie aux plus profondes et plus essentielles interrogations sur le monde.
Elles, l’air et les plantes ravivent le mythe de l’Eden où la femme en son corps, comme à l’infinitif, est le centre de toutes les conjugaisons possibles.
— Théodore Blaise, critique d’art
—
Vestales
Elles, vestales, désirantes autant que chastes, sereines intouchées…
Quel feu veillent-elles, les yeux clos ?
Quel souffle s’échappe de leurs lèvres ?
Ne serait-ce pas la nature même, par elles murmurée.
Point de geste, nul désordre.
Par elles, tout n’est que Luxe, calme et volupté.
Elles, âmes des jardins qu’elles occupent.
— Jennifer Morton, historienne de l’art